Dans le discours dit de Bordeaux, le président de la République annonce que les bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA) vont devoir travailler à raison de sept heures hebdomadaires, en contrepartie de l’aide qui leur est versée. Cette proposition est dans la droite ligne du rapport très controversé de l'ex-ministre Daubresse exprimé lors du dernier congrès de l’UNCCAS et qui proposait même de faire financer le RSA en taxant la prime pour l’emploi !
De la provocation...
L’UDCCAS de la Réunion tient donc à réagir à ces attaques régulières, d’autant plus que le public des CCAS est composé principalement de ressortissants du RSA. Instaurer le travail obligatoire pour les bénéficiaires du RSA afin de leur "redonner de la dignité » nous semble relever de la provocation, d’autant plus qu’elle alimente la thèse, plusieurs fois développée ces derniers mois, selon laquelle les bénéficiaires des aides sociales sont soit des fainéants, soit des fraudeurs.
Il nous semble à l’examen de la mesure que le RSA devait être un dispositif encourageant ses bénéficiaires à reprendre une activité professionnelle. Force est de constater que cette dimension est un échec. S’il est difficile de mesurer les effets du RSA, par manque de recul et surtout par manque d’étude objective à la Réunion, les CCAS du département ont constaté de manières unanimes que beaucoup plus de personnes entraient dans le RSA que n’en sortaient vers l’emploi. L’obligation d’insertion n’étant en aucune manière formalisée dans ce dispositif.
De plus nous tenons à réaffirmer nos difficultés (justifiées) outremer à faire baisser le taux de chômage.
Prévilégier la cration d'emplois
Nous ne pouvons pas nous limiter à une analyse simpliste, partisane et dans tous les cas stigmatisante sous prétexte de « redonner de la dignité aux personnes sous le régime du RSA ». La situation à La Réunion (et plus généralement dans les DOM) mérite une réflexion plus approfondie.
Ainsi nous rappelons que le RSA a pris le relais du RMI, de l’API et intervient en complément de revenu pour les salariés ayant un salaire de 1,4 fois le SMIC. Il a été mis en place en 2009 en métropole. Il est applicable à la Réunion depuis 2011, où il est venu se substituer au RSTA (juillet 2009). Celui-ci disparaîtra définitivement en janvier 2012. A la Réunion 160000 personnes sont concernées, hors « travailleurs pauvres ». Nous insistons sur le fait que plus de 49 % des Réunionnais vivent en dessous du seuil de pauvreté. La logique voudrait donc que l’on privilégie la création d’emplois.
En effet, en extrapolant à notre territoire la mise en œuvre de la mesure, sur la base de 160 000 bénéficiaires, il apparaît que 1 120 000 heures de travail pourraient être créées par semaine et 32 000 emplois à temps plein, 64 000 à mi-temps. Nous demandons donc au gouvernement d’étudier cette possibilité. Il importe de redonner accès aux Réunionnais à de véritables emplois. Nous nous interrogeons donc sur les conséquences désastreuses sur « l’emploi véritable » du dispositif annoncé.
La fongibilité n'est pas bonne
Aussi nous tenons à rappeler que certains effets discutables sont déjà manifestes dans la pratique du RSA. Ils sont liés notamment à l’article 118 de la loi de financement de la sécurité sociale qui a instauré « la fongibilité des prestations familiales» et permet le recouvrement des indus de prestations sociales. Cette mesure entraîne des saisis sur les prestations (RSA, AAH, APL etc.) et renforce la précarité des familles concernées qui ne peuvent subvenir temporairement à leurs besoins. Ils se retournent donc vers les CCAS qui connaissent donc un impact direct et important sur le volume des aides facultatives qu’ils accordent.
Enfin nous tenons à rappeler l’esprit de solidarité et de minimum vital qui prévalait lors de la création du RMI.
Lorsque les gens, toujours plus nombreux, poussent la porte des CCAS c’est qu’ils sont en rupture complète de ressources. Le RSTA a permis de calmer les mouvements sociaux dans les DOM. Une partie des personnes aujourd’hui couvertes par le RSTA perdront dès janvier 2012 une partie de leurs revenus. Compte tenu des seuils, elles n’entreront plus dans les critères permettant de percevoir le RSA. Les administrateurs de l’Union Départementale de la Réunion pensent également qu’il est essentiel d’anticiper cette situation. Les annonces faites n’apportent hélas pas de réponses face à ces inquiétudes.
Eric FRUTEAU
Président de l’UDCCAS de La Réunion
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