Madame La Présidente, mes chers collègues,
Sans nul doute il convient de se préoccuper de la situation de la jeunesse réunionnaise au regard des perspectives peu réjouissantes en terme d’insertion professionnelle, d’insertion tout court.
Les remarques émises lors de cette intervention ne doivent en aucun cas laisser croire que nous nous opposons à des actions en faveur des jeunes réunionnais. Bien au contraire.
Permettez-moi néanmoins de faire quelques remarques à propos de ce dossier. Deux points :
1) D’abord globalement il conviendrait de rappeler que la situation de l’emploi dans l’île est plus que préoccupante, notamment pour les jeunes.
Nous savons quelles sont les particularités de notre Département au niveau démographique et les enjeux qui y sont liés. Notre population augmente et le pourcentage de jeunes ne diminue pas : 32,2% de la population a moins de 20 ans contre 24,4% en métropole.
- Nos jeunes sont frappés par un chômage et par l’inactivité : 56,2% d’entre eux sont sans emploi (59% chez les femmes) contre 22,8% en métropole. De même ceux qui sortent du système éducatif sont 3 fois plus nombreux.
- Le niveau de qualification et le taux de scolarisation est également bien plus faible qu’en métropole. Le taux d’illettrisme est 3 fois supérieur que là bas.
- Les inégalités perdurent en matière d’éducation ce qui ne fait qu’amplifier le phénomène d’exclusion d’une partie de nos jeunes.
Voilà le constat. Or nous savons que le contexte est et sera encore contraint dans les mois à venir. Notamment pour les collectivités locales. Comment sans affaiblir la collectivité financièrement conforter nos compétences directes et obligatoires dans le cadre d’un soutien à la jeunesse ? A côté de ça, comment trouver les moyens et la façon la plus appropriée et mutualisée pour orienter ces jeunes vers des structures compétentes, des structures adéquates qui ont déjà un savoir-faire et un fort professionnalisme ? Pour ne pas faire des dépenses parallèles chacun dans son coin, voulant tirer la couverture à soi ? A ce titre nous savons que les Missions locales ont fait leur preuve et les agents qui y travaillent sont à mon sens les mieux à mêmes de mener cette mission. Accueillir, orienter, accompagner, les aider à s’insérer, faire augmenter le taux de sorties positives,… c’est un métier à part entière. C’est le métier des ML et des agents qui s’y trouvent. Il y a aussi les PLIE des intercommunalités qui œuvrent dans le domaine de l’insertion et qui mobilise aussi le même levier qu’est le FSE.
Dans le même registre, je rajouterai une autre structure spécifique en OM qui, j’ai peur, risque un jour de disparaître. C’est le RSMA. Il existait à Salazie. Je regrette sa disparition dans le cirque. Un dispositif particulier à la Réunion mais qui a toute sa place. Comment travailler avec lui ?
Nous voyons donc qu’il y a des outils qui existent déjà. La collectivité départementale ne doit pas s’éloigner de ces outils essentiels. Au contraire elle doit soutenir ces structures afin de les aider dans l’objectif partagé d’insertion des jeunes réunionnais les plus en difficulté en les amenant progressivement vers l’emploi.
2) La deuxième partie de mon intervention consiste aussi à dire :
- Le plan 4 000 jeunes proposé soulève quelques interrogations. En m’appuyant sur ce qui a été dit juste avant, je ne voudrais pas que ce plan soit un supplétif ou une substitution de ce qui se fait déjà ailleurs. N’est on pas en train de fabriquer une administration parallèle dans une registre qui existe déjà ? Ne vient on pas avec cette orientation faire ce que font déjà les missions locales ou le RSMAR ou les PLIE ? Et à ce moment pourquoi ne pas s’appuyer sur eux, grâce à une amplification du partenariat, si on veut améliorer les choses et agir globalement voire plus efficacement ? D’autant que le dossier présenté ne me semble pas ficelé : en effet,
- Dans le plan qui est proposé, des questions subsistent : comment se fait le repérage ? Quelle sera la répartition sur l’ensemble du territoire ? Se fera t elle sur la base du taux de précarité chez les jeunes de moins de 26 ans par région ? Comment se fera le parrainage ? Qui choisiront les parrains ? Qui peuvent être ces parrains ? D’ailleurs à ce jour on ne connait pas ces parrains. Or nous sommes à la mi-année… On va utiliser le FDAJ (anciennement géré par les ML), mais on nous dit que les ML (qu’on a tendance à vider progressivement) vont remonter les données… je suis septique vu l’éloignement qui s’opère avec ces dernières ces derniers temps.
- Comment se fera le financement ? Comment espère t on mobiliser le FSE (400 000€ nous dit on serait mobilisés) et dans combien de temps quand on sait que les nouvelles orientations pour le POE donne à l’état la responsabilité d’être autorité de gestion, de certification et d’audit ?
Enfin je crois essentiel de dresser d’autres perspectives non abordées içi et qui peuvent être des pistes intéressantes :
- Comment le CG peut-il intervenir pour limiter les ruptures de contrats d’apprentissage ?
- Comment peut-il intervenir avec les TPE et PME pour faciliter les stages des jeunes scolaires ?
- Comment peut-il intervenir pour améliorer le statut des stagiaires ?
- Comment lutter contre les inégalités liées à la discontinuité territoriale des jeunes réunionnais ?
- Comment par exemple dans un secteur relevant de notre compétence, développer un dispositif pour les jeunes sapeurs pompiers ?... ou encore des jeunes volontaires dans les métiers de l’aide à la personne ou à l’environnement ?...
Pour finir, je dirai, que je ne peux laisser croire que je suis contre des mesures pour les jeunes. C’est pour cela que je ne voterai pas contre. Mais je pose quand même la question : ce dossier a-t-il été mûrement réfléchi ? A-t-on tous les tenants et les aboutissants ? N’est il prématuré ou trop tard (vu le laps de temps qu’il nous reste et les objectifs quantitatifs qu’on fixe) pour se substituer à des dispositifs déjà existants ?...
Je vous remercie pour votre attention.
Eric FRUTEAU
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