Le 26 mai prochain, quoiqu'on en dise et en dépit d'un désintéressement trop important, une élection importante aura lieu. Il m'a semblé opportun, au-delà du fait de préciser pour qui il faut voter, d'exposer mon sentiment sur ce scrutin souvent boudé par les électeurs.
Point de vue généraliste
D’abord quelques repères historiques :
- L’Europe est née sur les cendres d’une guerre, sur les cendres du nazisme et de toutes ses atrocités. Pour tenter d’instaurer un climat de paix et de stabilité. En pleine guerre froide (opposant l’URSS et les EU) nait le traité de Rome et la CEE (1957)
- L’histoire montre donc que L’Europe s’associe à des valeurs et à des principes de solidarité, d’égale dignité entre européens.
- Dans tout projet il nous semble essentiel d’avoir un regard et une réponse humanistes afin de rester conformes aux droits humains fondamentaux porté par l’esprit initial.
Ensuite quelques éléments conjoncturels :
- L’Europe traverse une quadruple crise : crise de l’euro qui n’est pas réellement résolue, crise des réfugiés, crise sécuritaire, et crise existentielle qui, née d’une performance économique médiocre et de visions divergentes du projet européen, conduit certains pays et une part croissante des populations à contester les finalités jusqu’à la pertinence de l’entreprise européenne. Sur ces quatre fronts, la décennie qui vient sera déterminante. Il est ainsi indispensable de clarifier les enjeux, de définir des scénarios pour l’avenir européen, et de préciser les options pour la France tout en tenant compte de l’aspect social lié à l’augmentation des inégalités entre individus et entre les territoires.
- En outre la crise migratoire qui touche l’Europe et la France – La Réunion n’est pas épargnée : la France a su montrer dans le passé son sens de la solidarité en accueillant des gens pendant des périodes sombres comme le franquisme, la guerre d’Algérie, celle du Vietnam… en accueillant des travailleurs, portugais, africains, italiens, indiens, chinois,… pendant la grande ère d’industrialisation du pays. On a toujours su s’enrichir de ses apports culturels divers.
Enfin la question du modèle européen :
- S’il faut réussir l’intégration, le projet européen ne doit-il pas être un projet de force géopolitique à la hauteur des enjeux mondiaux de développement et des défis écologiques, énergétiques, d’intégration, de solidarité, de lutte contre le terrorisme et des extrémismes de toute sorte, d’aide aux RUP ? Comment ne pas s’inquiéter de la domination annoncée des Etats-Unis et de la Chine sur le Pacifique voire sur le monde entier ? Le projet européen ne doit-il pas être en mesure de répondre aux problématiques sociales, de pauvreté et d’inégalités croissantes si on veut inhiber la montée des extrémistes? Ce sont autant d’interrogations pour lesquelles il faudrait trouver des réponses justes. Sans réponses adéquates, on va vers une répétition malheureuse de l’histoire… Pouvons-nous revivre un autre déni de démocratie tel celui de 2005 ? Je pense qu’il y a une aspiration populaire profonde de reconnaissance de l’avis démocratique.
- En ce qui concerne la cohésion sociale, les ultramarins et les Réunionnais que nous sommes, au regard de la cohésion existant sur nos territoire, avons un rôle exemplaire à jouer. Nous sommes peut-être un modèle ; une véritable mosaïque dans laquelle chaque « pièce » contribue à garantir une cohabitation fraternelle et une attitude de tolérance et de respect; il y a matière sûrement à promotionner ce « chemin réunionnais » au niveau hexagonal voire européen.
D’un point de vue réunionnais
La Réunion bénéficie d’un statut particulier, celui de Région Ultra Périphérique (RUP).
- Les récentes analyses confirment que notre département a un bon taux d’utilisation des fonds structurels émanant de l’Union Européenne.
- Notre éloignement, notre insularité, notre relief, la dépendance économique, le climat difficile, sont des éléments justifiant notre spécificité mais qui parallèlement nuisent à notre développement durable. Il faut donc se battre pour conserver le statut de RUP et les aides structurelles. C’est l’un des enjeux, pour les Réunionnais et les ultramarins des prochaines échéances même si la réforme du mode scrutin a fait disparaître, à notre plus grand regret, des listes régionales ultramarines. Nous ne sommes à l’abri de rien. Un risque de rééquilibrage vers les pays de l’Europe de l’Est au détriment des aides spécifiques subsiste. Et il y a donc péril pour les RUP !
- Or, il y a des dossiers importants à défendre. Le programme Opérationnel Européen (POE) ce n’est pas moins de 2MM€ pour la période 2020 – 2026. Et ce temps qui s’annonce, sera un temps de grande perturbations électorales (municipales, départementales et régionales, législatives et présidentielles, sénatoriales,…). En outre, la complexité des dossiers due à des multi-financements conditionne également l’obtention des fonds européens. Que proposons – nous dans ce cadre de contractualisation ? Il faut donc déjà y réfléchir indépendamment des résultats des prochaines échéances électorales. Des dossiers importants doivent être positionnés. Celui de l’eau, celui de l’énergie, celui de l’agriculture, de la biodiversité, des transports et du désenclavement ou encore celui de l’éducation. D’autres dossiers pour lesquels les fonds européens n’existent pas, peuvent faire l’objet d’un rapport de forces à installer afin de gagner leur éligibilité. Le dossier de l’assainissement et des réseaux par exemple, peuvent être positionnés au regard des risques environnementaux et au regard de la vulnérabilité de notre île.
Comme on le voit, il y a de nombreux défis à relever, localement et sur le sol hexagonal.
- Nous pensons, que le rassemblement des forces vives (notamment à La Réunion) aurait pu être un rempart contre la montée d’une vision xénophobe et/ou libérale. Peut-être y avait-il une opportunité à saisir, celle de faire entendre une voie réunionnaise unitaire ? Le dépassement des clivages pour offrir un choix porteur d’espoir aux électeurs sous peu que nous puissions nous entendre sur l’essentiel ?...
- Conformément à ces données et à ces réflexions, et en dépit d’une abstention qui s’annonce élevée (comme en 2017 avec 80%... ce qui pose quand même la question de la représentativité) :
- Je pense qu’il faut rester fidèle à l’idée d’une Europe inclusive plutôt qu’exclusive, une Europe sociale et solidaire, humaine, de progrès capable de défendre la diversité et les spécificités des outremers face aux nombreux défis à venir (la transition énergétique, les aléas climatiques majeurs, les mutations économiques et commerciales globales, la pauvreté et les inégalités grandissantes par tout dans le monde).
- S’il faut garder une idée c’est celle qu’une fois le moment électoral passé, les Réunionnais, quelque-soit leur couleur politique et leurs convictions premières, sauront se retrouver et se rassembler pour défendre notre île et ses dossiers.
Mesdames, Messieurs, telle est ma réflexion au sujet des Européennes prochaines.
Je vous remercie et je vous dis à très bientôt.
Eric FRUTEAU
"Apaiser les préjugés et les haines, ...unir les hommes dans le travail et la lumière : ce sera la plus haute gloire de la génération qui se lève".
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